Alors que le mercato de la Juventus bat son plein dans un climat d’incertitude, une ombre bien plus large plane sur l’avenir du club : celle de la crise industrielle de Stellantis, propriété d’Exor, la holding des Agnelli-Elkann. Ce que beaucoup perçoivent comme une affaire extra-sportive pourrait, en réalité, avoir des conséquences profondes sur le présent et le futur de la Vieille Dame. Entre restrictions budgétaires, stratégie de survie et risque de désengagement, la Juventus pourrait payer le prix fort d’une tempête qui dépasse largement les frontières du terrain.

Le mercato estival de la Juventus intrigue autant qu’il inquiète. Igor Tudor a été confirmé à son poste, et si l’arrivée gratuite de Jonathan David a constitué un joli coup sur le marché, elle ne masque pas le manque de profondeur financière du club. Les discussions autour de l’avenir de Federico Chiesa, la possible vente de Dusan Vlahović, ou encore les hésitations sur des profils traduisent une réalité froide : la Juve n’a pas les mains libres. Le club avance sur un fil, contraint de vendre pour acheter, de négocier chaque clause, et de miser sur des profils à relancer ou en fin de contrat. Ce n’est pas seulement une stratégie sportive prudente : c’est le symptôme d’un actionnaire principal, Exor, en train de redéfinir ses priorités économiques. Car derrière la Juve, il y a Exor, la holding de la famille Agnelli-Elkann, qui traverse l’une des phases les plus délicates de son histoire récente.

Exor contrôle la Juventus depuis plus d’un siècle, mais c’est aussi elle qui détient Stellantis, aujourd’hui en pleine crise industrielle. Avec une production automobile en chute libre en Italie et un avenir flou pour plusieurs usines, Exor doit désormais gérer une hémorragie industrielle coûteuse qui aspire les ressources, à l’heure où la vente du groupe Gedi, contrôlé par Exor et éditeur des journaux La Repubblica et La Stampa, est toujours d’actualité. Dans ce contexte, chaque investissement est reconsidéré, et la Juventus, historiquement protégée, n’est plus intouchable. Les investissements sportifs doivent être justifiés financièrement, les avances de trésorerie se font au compte-gouttes, et la priorité absolue est de stabiliser Stellantis, bien plus stratégique à l’échelle du groupe. C’est dans cette logique qu’il faut désormais lire le mercato de la Juve : non plus comme une ambition purement sportive, mais comme le reflet direct des pressions économiques qui pèsent sur son actionnaire.

L’inquiétude règne à Turin !

La tempête qui secoue Stellantis — production en Italie en chute libre de 26,9 % au premier semestre 2025, à peine 222 000 véhicules sortis des chaînes et une prévision de seulement 440 000 pour l’année — met Exor, la holding de la famille Agnelli‑Elkann, face à un dilemme existentiel : mobiliser des milliards pour relancer les usines Mirafiori, Melfi ou Pomigliano, ou accepter un déclin industriel aux conséquences sociales et politiques explosives. Là où Stellantis représentait jusqu’ici un flux régulier de dividendes, elle risque désormais de devenir un gouffre de liquidités, au moins jusqu’à l’arrivée de la nouvelle Fiat 500 hybride fin 2026. Ce basculement oblige Exor à redéfinir ses priorités financières, et quand l’« usine » tousse à ce point, les « loisirs » que représente un club de football deviennent immédiatement variables d’ajustement. Or, la Juventus dépend plus que jamais de l’oxygène griffé Agnelli. En mars 2025, Exor a déjà dû avancer 15 M€ pour boucler la saison après le licenciement de Thiago Motta, en mettant noir sur blanc la possibilité d’un appel de fonds bien plus conséquent début juillet, un deuxième chèque de 15 M€ est venu confirmer l’urgence de trésorerie du club.  

Même avec ces perfusions, la première enveloppe mercato fixée par Damien Comolli plafonne à… 50 M€, conditionnée à de lourdes ventes (Dusan Vlahović, Douglas Luiz) pour espérer grimper à 150 M€. L’argent frais qui, par le passé, arrivait presque « automatiquement » de Turin via Exor se raréfie : chaque euro détourné vers la Continassa est désormais un euro qui ne sert pas à amortir les pertes colossales de Stellantis ni à financer la réorganisation de ses usines italiennes. À court terme, cette tension se traduira par un mercato d’opportunités : prêts, joueurs en fin de contrat, paris sur la Next Gen. Mais le véritable risque est structurel. Si Stellantis ne redresse pas la barre d’ici à 2026, Exor devra arbitrer encore plus sévèrement entre industrie et football. La Juve pourrait être contrainte de vendre un ou deux cadres majeurs chaque été pour rester sous la nouvelle règle UEFA. Moins de budgets signifie aussi moins d’attractivité pour les entraîneurs de premier plan et pour des partenariats commerciaux premium, au moment même où l’Inter et l’AC Milan profitent d’actionnaires plus offensifs.

En clair, une crise que certains jugent « extra‑sportive » menace de redéfinir la hiérarchie de la Serie A et de renvoyer la Vieille Dame à une stratégie « autosuffisance » qui rappelle les années 2006‑2011 — avec l’espoir que cette fois, la remontada financière ne prenne pas cinq ans. Si la spirale négative de Stellantis persiste, les arbitrages de portefeuille chez Exor pourraient devenir brutaux : la holding pourrait choisir de protéger d’abord sa « vache à cash » Ferrari — dont la capitalisation bat record sur record et dont Exor vient de céder 4 % pour encaisser 3 milliards d’euros — plutôt que d’éponger régulièrement les pertes d’une Juve vulnérable aux nouvelles règles UEFA. Dans ce scénario, Elkann n’écarterait plus l’idée de céder un bloc minoritaire du club pour faire entrer du capital extérieur (la société de cryptomonnaie Tether s’est déjà déclarée prête à monter au‐dessus de 5 % si on lui ouvre la porte). Même si Exor a démenti toute vente immédiate, la simple perspective d’un désengagement — rupture symbolique après plus d’un siècle d’alliance Famille Agnelli‑Juventus — serait vécue comme un séisme dans le football italien, signifiant la fin d’un mécénat héréditaire qui a façonné l’identité et les succès de la Vieille Dame depuis 1923.

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